Odile Barski- scénariste

Le vecteur télévision
L'idée de départ était de raconter cette histoire d'amitié entre deux gamines de milieux sociaux différents, à la fin des années cinquante. De plus, je trouvais intéressant de situer cette histoire en province, dans ces années chargées en évènements : De Gaulle, la fin de la guerre d'Algérie, l'arrivée de la télévision. Justement, la télé ! Je me suis dit que ce serait un bon vecteur. Raconter les différentes péripéties de cette histoire par le biais de la télévision était un exercice vraiment intéressant. C'est une époque qui me concerne et je me souviens que la télé était vraiment un objet mythique. Sans compter que dans certaines familles — bourgeoises ou intellectuelles, ou les deux — la télévision était vécue comme un élément hautement perturbateur. Cette étrange lucarne qui pénétrait dans l'intimité des foyers comme un objet extérieur, intrusif, faisait qu'on n'était plus entre soi...

 


 

Secrets de famille

L'idée était aussi de raconter une histoire un peu subversive. Il y avait un vrai ostracisme à cette époque entre les classes sociales qui étaient bien séparées, bien marquées. Je suis née dans une famille d'intellectuels où la télévision n'avait pas sa place. Et donc je me suis dit que d'un point de vue populaire, la TV était un bon sujet. Là-dessus se greffent les secrets de famille, soit tout ce qui a pu se passer entre les familles des deux fillettes pendant la guerre. On comprend à demi-mots que leurs pères ont eu des comportements radicalement opposés pendant l'Occupation, mais ce n'est qu'effleuré, jamais développé. Le poids du secret pèse sur ces deux filles et il n'est révélé que partiellement, à travers des événements qui renvoient aux images de la télévision. Par exemple, Brigitte Bardot était présente dans les séquences d'actualité, avec sa choucroute et ses robes en vichy... et la petite amie de l'un des pères est une sorte de BB locale. Cela fonctionne comme deux chronique croisées et je trouve cela plus intéressant qu'une histoire à multiples rebondissements. Il me semble que l'émotion y trouve mieux sa place

 


 

Subjectivités
J'ai vécu ces années-là et j'ai côtoyé à l'école, des enfants dont les parents avaient probablement été pétainistes. Cela restait de l'ordre du secret. On se doutait que... on avait la version d'untel... Et c'était tout ! Il y avait toujours ce versant obscur, que j'ai voulu conserver dans cette histoire racontée du point de vue des fillettes. Ainsi, à propos de la grande soeur morte, on ne sait pas qui dit la vérité, puisque c'est raconté du point de vue de la grand-mère, puis de la mère, puis d'une voisine...On sait juste que la vérité se situe quelque part dans ce triangle là. Chacun voit les choses à sa façon et je trouve cela beaucoup plus plausible et beaucoup plus poignant que si la vérité était sortie de la bouche d'un seul personnage. Ce procédé là me paraît artificiel et je préfère jouer avec les différentes subjectivités.

 

 

Révélateur
La télévision est un révélateur. Elle révèle notamment beaucoup de choses sur le comportement de ceux qui la regardent. C'est grâce à la télévision, que l'une des deux mères s'aperçoit que son mari s'intéresse au sport ou aux filles comme Brigitte Bardot. C'était amusant de le montrer ainsi. D'une part, il y a la boîte à images avec les vrais documents de l'époque. D'autre part, la boîte à fantasmes. Le double sens est permanent.
Je regardais peu la télévision, j'allais plutôt au cinéma. Mais je me souviens d'être allée la regarder chez des amies. C'était la fête, à l'image des trois gamines dans le film, dont celle qui tombe amoureuse du maître-nageur, celui-là même qui va partir en Algérie. Les fillettes prennent la mesure de cet événement dramatique parce qu'elles l'ont vu et entendu à la télévision. J'ai aimé installer au fil du récit ces petites touches de rappels historiques.

 

 

 

Histoires vécues
Pour écrire cette histoire, outre mes souvenirs personnels, j'ai beaucoup écouté les gens, comme je le fais tout le temps. Ensuite je mélange tout. Je n'ai jamais fait ma communion, mais je me souviens bien de l'ambiance festive et joyeuse qui précédait l'événement. Il y a aussi un tas de souvenirs de mes amies ou de Marco Pauly, comme cette grand-mère qui lit Angélique à haute voix ! Comme dans tout travail de création, nous avons mélangé beaucoup de vécus...


Rêver
Je suis très touchée par l'amitié poignante de ces deux fillettes que l'on va séparer. Quand Florence Pernel qui joue l'une des mères, lit la voix off à la fin du film, je me surprends à pleurer. Cette vie était un peu terne, un peu sombre, mais en même temps pleine d'attentes. Il y avait une notion d'idéal. On rêvait à ces choses que l'on ferait un jour... ou pas... mais on rêvait ! Arriver à faire un récit émouvant sur ce que l'on aurait aimé faire a fait le succès de Maupassant... C'est un peu dans cette lignée que nous avons voulu nous inscrire !

 

 

Pour en savoir plus :

 

 

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